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Rabelais et l'île de la Dive
3 novembre 2019

Les possibles navigations atlantiques de François Rabelais.

Ca commence comme ça, il faut être intronisé avec un verre d'un litre (très partiellement rempli de 3 vins de Chinon rouge choisis parmi les 10 meilleurs de l'année précédente). 

copie chinon entonneurheureusement que nous sommes en bonne compagnie !

dim 3 novLe Festival des nourritures élémentaires s'est imposé au fil des années comme un évènement incontournable du chinonais. Les organisateurs sont compétents et Stéphan Geonget accueille chacun comme un ami.

festival

Conférence à deux voix comme toujours, Mary aux images et à la lecture des textes originaux et Jean-Marie à la lecture du texte qui suit. Je remercie Mathilde et Alain de leur invitation.

 

Passant à La Rochelle se mit sur mer et vint à Bourdeaulx

Pantagruel chap.V

Bonjour à toutes et à tous. L’objectif de cette communication est d’évoquer la possibilité pour Rabelais d’avoir navigué par cabotage, de La Rochelle à Bordeaux, puis à Toulouse et retour vers l’ile de la Dive et enfin aux Sables d’Olonne. Je dois ma passion exclusive pour Rabelais à un universitaire que je ne remercierai jamais assez, Gilles Polizzi, seiziémiste et spécialiste du Songe de Poliphile. Je suis un rabeloteur, mélange de rabelaisant et de radoteur. C’est de la connaissance du fonctionnement de 2 abbayes bénédictines proches de la mer, Maillezais et St Michel en l’Herm, que j’ai tiré les hypothèses du voyage évoqué dans le quart et le cinquième livre.

 

visites 1526

 

 La période historique analysée se borne aux années 1525_1526 lorsque Rabelais est secrétaire de Geoffroy d’Estissac. Après Pavie, le roi est prisonnier à Madrid et l’empereur réclame une rançon exorbitante. De retour en mars 1526, ayant laissé ses enfants en otages, François 1er demande alors une contribution exceptionnelle et volontaire, auprès des ecclésiastiques du royaume. La visite des prieurés susceptibles d’avoir des ressources immédiatement disponibles, en particulier sur les îles de ré et d’Oléron, devient une nécessité.

Les abbayes de bord de mer comme st Michel en l’Herm tirent leur richesse de la vente du sel et du vin aux étrangers, ou de la drague des huitres qui nourrissent les moines ichtyophages les jours de jeûne. Les abbayes dont Geoffroy d’Estissac est responsable, possèdent aussi des prieurés et des marais salants en bord de mer. Maillezais perçoit, quand elle peut, les dimes de l’église de St Martin de Ré, de la Couarde et du Bois. St Hilaire le grand de Poitiers est possessionnée en Ré et St Michel en l’Herm règne à Ars, Loix et Les Portes. Maillezais plus intellectuelle développe une pensée évangélique qui vise à réformer l’église.

Les habitants des îles sont seuls face à l’ennemi, l’armée royale vient souvent après la bataille. Les voisins vigilants ont donc organisé le guet de la mer. En communicant par feux de nuit et par fumées de jour, ils alertent les milices locales qui vont repousser l’envahisseur anglais ou espagnol. Les iliens sont pour cela exonérés de taille, ils en profitent pour refuser aussi de payer les dimes. Le concordat de Bologne a rendu le roi véritable chef de l’église de France : il choisit les abbés commendataires dans la noblesse. Les abbayes ont une valeur marchande certaine.

Le pays des îles est un lieu idéal pour un démon appelé Penthagruel, dont la mission consiste à jeter du sel dans la gorge des ivrognes endormis. Le port de la Rochelle est petit, les gros voiliers stationnent dans les pertuis. À partir des iles on charge des chalands qui remplissent les cales de sel, sur lequel on roule les barriques de vin, et La Rochelle est surnommée la ville de Bacchus. Le sel se récolte dans les multiples salines de Ré, Oléron et Brouage. Rabelais les nomme Sporades de l’océan, iles disséminées dans l’atlantique. Les marais actuellement en prairies étaient au XVIe siècle des salines.

Les prieurés abritent 2 ou 3 moines convers, et sont visités par l’abbé ou l’un de ses délégués. Aux revenus des propriétés, il faut ajouter la dime et la procuration, taxe annuelle due à l’abbaye. Les conciles régionaux permettent de régler les principaux sujets de discorde. Il y a deux mondes dans l’abbaye comme dans la vie : les fils de paysans ou convers qui ne sont pas prêtres et viennent de jour sans pain. D’autre part, les trop d’itieux, fils de nobles qui assurent l’encadrement.

Nous allons nous fondre dans le groupe chargé de contrôler les possessions de l’abbaye de Maillezais, des Sables d’Olonne jusqu’à Toulouse. C’est une visite pastorale des prieurés pour contrôler le respect de la règle bénédictine mais aussi racler les fonds de tiroirs.

Et[1] partant de Poitiers avec aucun de ses compagnons, passèrent par Ligugé, par Lusignan par Sanxay, par Celles par Collonges, par Fontenay le comte, et de là arrivèrent à Maillezais…puis retourna non à Poitiers mais voulu visiter les autres universités de France dont passant à la Rochelle se mit sur mer et vint à Bourdeaulx onquel lieu ne trouva grand exercice sinon des guabarriers jouant aux luettes sur la grave. De là vint à Toulouse...

On a toujours décrit Rabelais sillonnant le diocèse de Maillezais avec d’Estissac, mais il dit lui-même dans son premier livre, qu’il navigue de La Rochelle à Bordeaux. Lors de sa création, l’abbaye avait reçu la basilique de St Martin du mont judaïque, assortie de la coutume d’un navire, soit la possibilité d’un voyage maritime annuel exonéré de taxes. Les chemins de marais sont impraticables depuis les guerres avec les anglais. La peste sévit de façon endémique et au premier cas, on ferme les portes des villes au voyageurs. Dans ce contexte, la navigation est plus sûre. Le long de la côte charentaise, les possibilités d’hébergements sont nombreuses, et les moines ne peuvent refuser l’eau le feu et le repos aux pèlerins.

 

carte esnandes

 

Gaucher de Ste Marthe alias Picrochole est aussi seigneur d’Esnandes et il refuse de payer une taxe annuelle de 20 livres à l’abbaye de Maillezais. En 1522, Geoffroy d’Estissac lui intente un procès qui se conclura 10 ans plus tard. François Rabelais, secrétaire et juriste, ne peut pas avoir oublié cette histoire.

Autour de la Rochelle, Maillezais dispose de nombreux biens. Le pilote d’un bateau traversier navigue à vue d’un clocher à l’autre, la compagnie est composée de 6 à 10 personnes. Le secrétaire doit rédiger un compte rendu journalier.

L’abbaye des Châtelliers à La Flotte a le même abbé commendataire qu’à St Michel en l’Herm : Jean de Billy le vieux, de très mauvaise réputation. Un proverbe le cite pour rosser violement ses chiens : le ros de Billy. On confond encore l’abbaye Marie des Châtelliers de la Flotte en Ré avec Marie des Châtelliers dans les Deux-Sèvres. La critique de Rabelais dans le chapitre d’Outre[2] respire le vécu :

Là me souvint du vénérable abbé des Castilliers celuy qui ne daignait biscoter ses chambrières « nisi in pontificalibus », lequel importuné de ses parents et amis de résigner, sur ses vieux jours son abbaye, dist et protesta, que point ne se dépouillerait devant soi coucher : et que le dernier ped que ferait sa paternité, serait un ped d’abbé.

Il finira par céder ses abbayes à ses neveux en particulier Jacques de Billy qui est le traducteur de Grégoire de Naziance. Pensait-il à Rabelais lorsqu’il écrit dans son journal intime déposé à Sens, détester ceux qui se moquent de la religion.

Rabelais est difficile à relire et parmi ses brouillons en désordre, des épisodes du cinquième livre semblent avoir précédé le quart. Dans le manuscrit on passe du chapitre 39 au 50. C’est le bourdeau, comme on disait à l’époque.

L’étude de la cartographie m’a fait remarquer une concordance curieuse entre certains titres de chapitres et la topographie locale.

Le Lanternois inspiré de Lucien est une suite de jeux de mots sur les lanternes. La lanterne de La Rochelle vient d’être mise en service. On arrive en bateau à St Pierre d’Oléron à proximité du cimetière où Maillezais possède un terrain. Du haut de ses 23m la lanterne des morts est la plus haute de France. Est-ce une obéliscolychnie ?

lanternois

 

obélisces[3] : grandes et longues aiguilles de pierre. Sur icelles près le rivage de la mer l’on allumait du feu pour luyre aux mariniers on temps de tempête et étaient dites Obéliscolychnies comme est écrit à la fin de la tempête[4].

Des feux sont préparés lors des vimers (vis major) de mer sur la côte. On navigue peu de nuit mais la brume ou la tempête peuvent surprendre un navire.

Une idée m’obsède alors : les noms de lieux seraient-ils des déclencheurs d’idées, ce qui expliquerait l’apparent désordre des paragraphes.

Le banc de sable au nord de Ré s’appelle le bucheron et le prologue du QL nous parle de Couillatris abateur et fendeur de bois[5].

L’abbaye de Charron et le souvenir de Lucien de Samosate peuvent-ils donner l’île des ferrements[6]? La transition finale est curieuse car le chapitre se termine par

Nous retournant en nos navires, je vis derrière je ne sais quels buissons, je ne sais quels gens (faisans je ne sais quoi et je ne sais comment,) aiguisant je ne sais quels ferrements qu’ils avaient, je ne sais où, en ne sait quelle braguette : nous sommes tout près de la Palice qui signifie buisson en poitevin et qui était un lieu de détente pour les marins.

Rivedoux dans l’ile de Ré était surnommée Hymnes-doux. Est-ce l’origine des chapitres musicaux autour de la quinte.

L’île de Loix en Ré aurait-elle inspirés le chapitre des chicanoux et des chats fourrés, hommes de loi.

La pointe des baleines induit elle le physétère ?

Vous pourriez dire que Rabelais parle peu du sel marin mais relisons la description de l’île de cassade qui nous parle de tromperie et de reliques.

La terre y est si maigre que les os (ce sont rocs) lui percent la peau, aréneuse, stérile, malsaine et mal plaisante. Là nous montra notre pilote 2 petits rochers carrés à 8 égales pointes en cube. Lesquels à l’apparence de leur blancheur me semblaient être d’albâtre ou bien couverts de neige mais il nous les assura être d’osselets.

Si salade signifie mets salés, une cassade peut être un ensemble de casses. Respecter la casse c’est un terme d’imprimerie qui vient des cases de caractères. On imprime des livres comme on mesure le marais salant en livres. La paronomase, ce jeu de mots, est le divertissement de prédilection de Rabelais. On passe de l’atelier d’imprimerie aux pyramides de sel avec leur reflet, ce qui rappelle les dés des jeux de hasard, l’eau salée devient osselets, les petits os des reliques dont le culte est largement critiqué dans ce chapitre. Et près d’Ars en Ré il y a le village de la Tricherie.

Le sel de Maillezais vient de 16 livres de marais proches Oléron. Est-ce à Marennes (ma reine), Brouage ou au prieuré de St Pierre d’Oléron. Ce marais salant s’appelle rupepisse ou rupescice. C’est aussi le nom d’un alchimiste du 14e siècle, Johannes de Rupescissa ou Jean de Roquetaillade, inventeur de la quintessence, la 5e essence tirée de l’alcool. Or Rabelais se dit abstracteur de quintessence. C’était un cordelier polémiste opposé au pape d’Avignon qu’il compare à un oiseau emplumé : nous voilà proche de la description de l’ile sonnante.

Le pays de satin me rappelle les visites pastorales car le satin est l’étoffe la plus employée dans les églises. En fin de visite on interrogeait des témoins des bonnes mœurs du curé, comme à la fin du chapitre de ouï-dire où des étudiants manceaux vivaient honnêtement du métier de témoignerie en épargnant vérité[7].

Brouage, ou baie de Brou est dominée par la paroisse d’Hiers. Ce sont des salines à perte de vue d’où émergent de petites îles. Parmi celles-ci l’une a retenu mon attention car son nom est Erablais. Est-ce l’origine du calloyer des iles Hieres ?

En rive droite de la Gironde, l’abbaye de Vaux sur mer a été créée par Maillezais. Et c’est de Vaux que sont partis les premiers moines de Seuilly. Après un différend entre Seuilly et Vaux, le droit de visite, due à Vaux par Seuilly sera versée à Maillezais. Deux cartes du 18e situent là, Maillezais sur mer et la conche de Mailzay, c’est un lieu d’embarquement facile pour passer la Gironde.  

médoc

         En face dans le Médoc vers Lesparre, les églises de St Trélody, Civrac et Queyrac dépendent de Maillezais. Sur cette carte de la Gironde au XVIe, on y voit des lieux cités dans les moutons de Panurge[8]. Le marchand saintongeois de Taillebourg, nommé Dindenault parie des huitres de Buch soit d’Arcachon et réservait le beau et grand mouton choisi par Panurge pour le seigneur de Cancale ou Candale selon les éditions. C’est Gaston III de Foix-Candale, captal de Buch, le frère de l’archevêque de Bordeaux en 1526. Plus loin l’ermite de Lormont entre Blaye et Bourdeaux bénit les bateaux en partance vers le large[9] et « vit des aumônes que les voyagiers lui donnent. »

bourdeaux

 

 St martin du mont Judaïque est implanté au milieu du vieux cimetière juif, hors des remparts. Rabelais a-t-il rencontré des représentants de la communauté juive ? L’un des premiers livres imprimés à Bordeaux en 1520 est un livre de médecine écrit par un marrane espagnol, Gabriel Tarégua. Il dédie son livre au maire, Bertrand d’Estissac, dont le fils Louis, est très proche de Rabelais. Le possédait-il dans sa bibliothèque ? L’intérêt de Rabelais pour la médecine serait-il né à Bordeaux ?

         Pour rejoindre les propriétés familiales, le bateau peut remonter la Dordogne. Les registres municipaux de Bergerac signalent le passage de MM. D’Estissac et de Maillezais en mai 1526. Geoffroy est abbé de Cadouin, sa famille réside à Cahuzac. La compagnie peut rejoindre Agen où deux églises dépendent de Maillezais. Dans sa lettre à Érasme datée de 1532, Rabelais affirme bien connaitre le médecin Scaliger qui n’a jamais quitté Agen.

La dernière étape conduit à Toulouse, où les églises de Fenouillet et Gagnac perçoivent la dime pour Maillezais. Toulouse est alors la capitale du pastel, l’or bleu du pays de cocagne celui des couleurs de Gargantua, du roé grand nez, et des armoiries des Estissac. C’est un marchand de pastel qui garantit le paiement de la rançon de François 1er auprès de Charles Quint. La description du bruit des traquets du moulin de Bazacle[10]à Toulouse, c’est encore du vécu !    

talais la dive

     

Le retour se fait sur la Garonne puis la Gironde jusqu’à Talais qu’on nomme Tallas à l’époque. Ce port de mer est loin de St Malo mais proche de ses reliques car St Malo est mort en Saintonge. On quitte l’estuaire pour caboter sur l’atlantique, longer Oléron en évitant Maumusson, puis s’abriter à la Rochelle et rejoindre la baie de l’Aiguillon où se trouve l’ile de la Dive, prieuré bénédictin de St Michel en l’Herm.

braguibus

 

Dans le CL, avant de rejoindre l’ile d’Odes[11], la compagnie est menée par les michelots de Gebert, nom de l’inventeur de l’alchimie. Le michelot ou miquelot ou michelin pélerine vers l’archange. Encore une ambiguïté car St Michel en l’Herm est le premier st Michel de France, culte ramené du mont Gargano en 682, 27 ans avant le mont St Michel. Curieusement c’est par la pointe de Jebert qu’on débarque sur l’ile de la Dive. Gilles Polizzi, « l’inventeur » de l’île de la Dive comme référent de l’oracle de la dive bouteille, rappelle que le chapitre qui précède parle de La Rochelle alors que la fin du manuscrit évoque Olonne, qu’on rejoint sans escale. L’île de la Dive est à mi-chemin entre La Rochelle et Olonne.

En 1524, Jean Bouchet, l’ami intime de Rabelais surnommé le traverseur des voies périlleuses, alias Xenomanes, cite La Dive dans les annales d’Aquitaine, comme l’endroit où éclate la vérité. St Hilaire défenseur de la Trinité, en aurait chassé les serpents, figures de l’arianisme. C’est aussi le lieu de redécouverte des reliques de la vraie croix, déposées par Ste Hélène elle-même, ce qui ne pouvait que provoquer le sourire de Rabelais. Le nom de Dive est habituellement attribué à des cours d’eau. Romain Ménini a découvert des annotations de Rabelais dans la marge d’un texte de Plutarque. Rabelais y cherche comment nommer Dieu par allégorie. Quoi de mieux que cette île qui en porte déjà le nom au XIIIe siècle « dives insulae » en souvenir de la découverte d’une relique de la vraie croix. On y cultivait la vigne. Une chapelle et une grotte abritaient un ermite chargé d’allumer un feu pour avertir l’abbaye de l’arrivée d’une voile ennemie. Est-ce l’explication du grand phlosque ou flamme au milieu des flacons à la fin du CL. La cheminée taillée dans le roc a la forme d’une bouteille. Comme à Delphes on y retrouve le chaos c’est-à-dire la mer, l’air, la terre et le feu. Dans le songe de Poliphile il y a un dragon dans une grotte, à la Dive St Hilaire a chassé le dragon de l’hérésie. Le feu existe à la dive, à Delphes et dans le Songe. L’arrivée à l’oracle de la Dive est un copié collé du Songe de Poliphile, il faut en relire le début du livre II qui commence par l’hommage rendu à Trévise, la ville de naissance de Polia.

Polia déclare de quelle race elle est descendue, et comme la ville de Trévise fut édifiée par ses ancêtres

Cette référence peut expliquer l’hommage rendu par Rabelais à Chinon, sa ville de naissance. Un chinonais qui découvre sur une île de l’atlantique, une grotte qui lui rappelle la cave peinte, ne peut que se la révoquer en souvenir[12].

C’est à la fin du dernier chapitre du 5e livre, que se trouve un autre indice :

Pourtant est équitablement le soubterrain dominateur presque en toutes langues nommé par épithètes de richesses[13].

Cicéron parle « d’un dieu à qui nous donnons un nom qui marque ses richesses, parce que tout vient de la terre et y retourne ».

Or le mot richesses en latin se traduit par dives

Je pense qu’on pourrait reconstituer l’ordre initial des chapitres du 5e livre en connaissant la topographie locale.

Je considère, et je suis bien le seul, que le chapitre XVI des apedeftes, ou ignorants, dans l’ile sonnante, est de Rabelais. Il s’agit de l’avant texte de l’île sonante. Il l’a écrit très tôt, quand frère Jean est encore maitre Jean. Il s’y moque de l’abbaye des moines ignorants de St Michel en l’Herm, alors qu’il vient du pays de savants où il n’a guère gagné : Maillezais. Dans le manuscrit du 5e livre, les pèlerins arrivent sur un petit roc doté d’un ermitage et d’un jardinet, ils jeûnent avant d’aborder l’ile sonnante. C’est une description précise de l’île de la dive. Le jeune parachevé, l’ermite leur baille une lettre destinée à Editus maitre de l’ile sonnante. Le manuscrit du 5e livre est plus précis, c’est Abihen Camar[14], prêtre païen en hébreux et anagramme de « Caïn ab à herm ». C’est aussi le Gangnebeaucoup[15] du chapitre des apedeftes où des grands rochers étranges s’appellent les cahiers. Or il y a sur place une accumulation d’huitres écaillées de 800m de long sur 8m de haut. La Popeliniere qui écrit à 100m de là 40 ans plus tard, parle des montagnes toutes d’huitres en pierre , singularité qui par grande merveille se voit  tout joignant st Michel. C’est dans ce chapitre que Rabelais nous livre la première description détaillée d’un pressoir en langage françois. Ce n’est absolument pas la description de la chambre des comptes.  

 

huitres

                 Enfin, le manuscrit du 5e livre se termine par :

Irez à droite route, sans terre prendre si voulez, jusques au port de Olonne en Talmondois…allez amis en gaité d’esprit et portez cette lettre à votre roi Gargantua…par un pays plein de tous délices, plaisant, tempéré, salubre, verdoyant, fertile, serein et gracieux autant qu’est le pays de Touraine, enfin trouvâmes nos navires au port.

Encore une comparaison entre la Touraine et le Sud Vendée, vous avez raison de venir y passer vos vacances d’été. Revenons au port d’Olonne, Maillezais possède un prieuré à Bourgenay toujours en Talmondais.

 

Conclusion

Nous sommes en 1526, Rabelais, secrétaire de l’abbé, établi le compte-rendu journalier de ce voyage inter-iles.

Lorsque Rabelais écrit Pantagruel en 1532, il a conservé dans la gibecière de sa mémoire le souvenir de ce cabotage en eau salée. Le démon chargé de la province des mers devient un géant.

En 1535 dans son chef d’œuvre Gargantua, il parle du mot de la bouteille[16] et s’inspire déjà du Songe de Poliphile traduit par Jean de Vauzelles pour l’entrée de la reine à Lyon en 1532.

C’est probablement avant le tiers livre qu’il écrit la seconde version de ce voyage. Rabelais a conservé les noms des paroisses visitées. Comme s’il s’agissait d’un jeu poétique, les toponymes des îles sont transformés en chapitres. Les images entrainent certaines associations de mots ou d’idées. C’est un pèlerinage évangélique vers l’île de vérité, l’oracle de la Dive Bouteille, dont le mot est connu de toutes les nations, trinch anagramme de Christ.

 

trinch vigliano

 

Rabelais extrait certains chapitres du pèlerinage vers la Dive pour calfater son quart livre. Le reste est assemblé par l’éditeur du CL. Les allusions datables ou géolocalisables dans les brouillons du 5e livre sont une marque d’ancienneté. Rabelais meurt en écrivant l’Ile Sonnante inspirée de St Michel en l’Herm, le mauvais exemple du fonctionnement monastique qu’il transforme en allégorie de l’église de Rome.

Son cabotage atlantique vers l’ile de la Dive, qui a tant inspiré Rabelais, ne lui a jamais fait oublier son pays d’enfance, La Touraine et Chinon.

Comme on arrive par la rue Rapin au CESR à Tours et qu’on y écoute les conférences dans la salle Nicolas Rapin, je ne peux résister au plaisir de vous faire découvrir
un petit poème du même Rapin qui parle de l’ile de la Dive.

 

La Dive qui jadis fut nymphe de la mer

 

Et encor en la mer dans un rocher habite

 

A veu voz gaietez, & pour vostre mérite

 

Vous offrit les trésors qui la font renommer

 

L’œil de bouc, la palourde, & l’huistre en son escale

 

La mouscle plus boueuse, & tous autres poissons

 

Qui portent coquillages, en cent & cent façons

 

Vous furent présentez d’une main libérale

 

[…] Et le large marais, où cent milliers d’oiseaux

 

Vont sautellant autour de joncz, et des roseaux,

 

Puis s’élèvent en l’air comme une épaisse nue

 

 Nicolas Rapin, les plaisirs du gentilhomme champestre, 1581

 



[1] P230

[2] CL XVI ou XVII 761

[3] 708

[4] 592

[5] 523

[6] 746

[7] CLxxix799

[8] QL VII 554

[9] QL LXIIII 690

[10] CLxxii

[11] CLxxiii785

[12] CLxxxiv810

[13] CLxlvii840

[14] MsCL877

17ISXVI869

[16] g ix 28877

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Rabelais et l'île de la Dive
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