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Rabelais et l'île de la Dive
19 janvier 2022

INTRO

 

Vous pouvez retrouver sur You Tube la conférence faite à deux voix en 2019 lors du festival "Les nourritures élémentaires 2019" à la mairie de Chinon sur le thème du Voyage . https://www.youtube.com/watch?v=v5f6C7xMkkE

l'idée de cette recherche est venue de deux éléments

un chercheur CNRS de Mulhouse, Gilles POLIZZY qui écrit "toutes les navigations du 4e et 5e livre se sont passées à 30km d'un centre déterminé par l'ile de la Dive ( voir le chapitre l'idée nouvelle ).

François BON animateur du Tiers Livre sur le Web qui affirme devant une photo de la digue de l'Aiguillon "c'est içi que François Rabelais a vu la mer pour la première fois".

Simplement passionné d'histoire, je me suis lancé dans cette aventure folle.

navigation_r__diveRésumé de l'aventure:

Francois Rabelais connaissait les légendes de la Dive relatées par son ami intime Jean Bouchet dans les Annales d'Aquitaine. Le diocèse de Maillezais s'arrete à quelques lieues de la Dive.

On a toujours écrit que Rabelais avait parcouru en tous sens le diocese de Maillezais, mais il ne faut pas oublier que l'évèque était aussi Abbé et Grand seigneur. Abbé signifie gérer les biens et les prieurés qui dépendent de l'abbaye plus ancienne que le diocèse.

L'Abbaye de Maillezais est bénéficiaire au centre de l'ile de Ré de la moitié des revenus des églises de St Martin, du Bois, et de la Couarde au 13e siècle. r_dimesmailezaisLes rétais sont exonérés de toutes taxes par leurs seigneurs respectifs et par le Roi en raison des nombreuses attaques anglaises, espagnoles ou hollandaises car ils sont obligés de défendre l'ile par eux mêmes. Ils vont donc refuser de payer la dime à Maillezais et au Puy en Velay (Cahiers de la mémoire de l'ile de Ré, photo de droite). D' Estissac, abbé de Maillezais, connu pour savoir retrouver ses droits "oubliés", a certainement voulu se rendre sur place. On peut donc raisonnablement penser que le secrétaire de l'évèque de Maillezais ait préparé le voyage et suivi son maitre soit par voie terrestre en visitant les paroisses de son diocèse (en jaune sur la carte de gauche avec la dive au centre de la baie de l'Aiguillon) jusqu'à l'abbaye bénédictine de St Michel en l'Herm, ou par la Sèvre Niortaise en passant à Marans où Maillezais possède l'église St Etienne. Puis ils se sont embarqués sur un plus gros bateau au pied de la Dive, où François a vu un pan de son enfance ressurgir avec la grotte troglodyte appelée "grotte de l'ermite" (BRAGUIBUS ?).

evechemaillezaisMaillezais bénéficiait chaque année de la "coutume de l'itinéraire d'un navire" vers Bordeaux. Ce voyage maritime permettait d'assurer la visite des prieurés sous la tutelle de Maillezais dans le "pays des iles" ou d'aller ensuite au synode provincial  de La Rochelle qui semble avoir été le lieu de réunion des abbés et évêques du bas poitou et de saintonge (les fameuses "lanternes" (Geoffroy d'Estissac était alors surnommé "la lanterne de Maillezais"). L'abbaye possède des biens à St Maurice, un prieuré proche de Nieul sur mer et une taxe sur le port d'Esnandes. La suite du cabotage devait passer par St Pierre d' Oléron, Vaux sur mer, la Gironde et le Médoc (St Trélody et Quayrac) puis Bordeaux et le Périgord. Ce voyage annuel a du être fait plusieurs années de suite et le brouillon de la relation du voyage ainsi que les plans devaient rester entre les mains du secrétaire de l'évêque.

CARTmasse1720  maillezais_st_michel  paysrabelais   

Des années plus tard, à Lyon ou à Rome, vers 1535 François Rabelais fait une première relation de ce voyage maritime. Il dispose d'une carte ou d'une liste des lieux visités. Il est nourri de la lecture de l'Iliade, de l'Odyssée, du Songe de Poliphile de Colonna qu'il vient de lire, des idées de Calcagnini de Ferrare (les noms propres ont un sens divin révélé par le truchement de l'écrivain), de Folengo, de Pline et de tous les auteurs antiques. Il a traduit des textes de Lucien qui se moque de ceux qui n'ont pas voyagés et décrivent les lieux malgré tout. Il se rappelle alors du seul voyage océanique qu'il ait fait: de La Dive à l'île de Ré ou à Olonne car Maillezais gère le prieuré de Bourgenay, puis à La Rochelle et Bordeaux et retour. Il prend chaque toponyme et laisse aller son imagination nourrie de ses lectures. CHAQUE TOPONYME DONNE PAR PARONOMASE LE TITRE D'UN CHAPITRE. Le texte a une logique, des descriptions réelles, et un but en partant de Bordeaux c'est l'ile ou l'oracle de la dive. Il est libéré de ses "protecteurs" en 1543,  mais son roman ne lui plait pas tel qu'il est: il lui manque le "plus haut sens". Il décide donc d'abandonner la copie du Poliphile pour une structure de livre "inspiré". Il va ainsi avoir de la matière dans ce roman abandonné, pour écrire en 1543 les Tiers et Quart livre en piochant dans les chapitres de sa navigation. Il donne de la crédibilité à sa navigation du Quart livre 2e génération par rapport au texte du "disciple de Pantagruel" qu'il a largement copié dans la première édition du Quart livre de 1548. Son écriture avec des chapitres disposés en symétrie et une disposition en triangle où le chapitre principal est au centre du livre (thèse de DUVAL) devient possible en réaménageant la navigation initiale. Il va rester les brouillons non utilisés du 5e livre lors de sa mort. Les 16 premiers chapitres sont la trace historique de la trame initiale poitevine de cabotage dans les pertuis.

Je vais essayer de vous convaincre qu'il y a eu dans les navigations écrites par Francois Rabelais des textes successifs:

byEdwinAppsLe premier est la rédaction par le Frère François alors secrétaire de d'Estissac des "visites de l'abbé de Maillezais". C'est en quelque sorte une figure imposée avec un formalisme extrème. Ces textes ont brulé à La Rochelle avec les archives de Maillezais.

Voyez cette toile peinte par un acteur-peintre anglo-mallacéen (=de Maillezais) Edwin APPS, c'est selon lui la preuve absolue que Rabelais et d'Estissac sont venus à la Dive. Je le remercie d'avoir voulu m'aider après cette monte difficile d'un âne portugalois au cours d'un tournage de feuilleton télé. ( l'homme est bourré d'humour ! ) (ps: il nous a quitté en 2021)

le second texte écrit de 1538 à 1543 est une succrssion de reportages  humoristiques non publiés par Rabelais. Il prend la forme d'un pamphlet qui critique surtout le fonctionnement des abbayes et plus particulièrement les écarts des clercs des abbés et de la papauté. Nous en avons des extraits assemblés au mieux après la mort de l'auteur, c'est l'essentiel du cinquième livre. Ce texte est écrit de façon chronologique avec un but clair: L'ORACLE DE LA DIVE. On part de Maillezais ou de St Michel en l'Herm, on embarque à la Dive on fait le tour des abbayes et possessions mallacéennes dans l'ile de Ré et à la Rochelle puis à Oléron, le Bordelais et le Périgord, enfin on revient à la Dive puis à Olone enfin à Maillezais.

la troisième version est celle du quart livre écrit en modifiant les chapitres de la navigation: c'est la version définitive (1552) dont le but devient philosophique et religieux. C'est un livre abouti qui se suffit à lui même. L'histoire parait simple, Panurge doit-il se marier et s'il le fait, sera t il cocu ? Il suffit de consulter les oracles pour avoir des réponses. Le Tiers livre constitue le début des consultations mais l'histoire est localisée dans le chinonais. Le but du voyage, souhaité mais jamais atteint, est l'oracle de la Dive, nommée Bacbuc ou Bacbut dans le manuscrit.

L'idée que le cinquième livre est antérieur au tiers et quart livre n'est pas nouvelle. Il faut se reporter aux analyses de SMITH en 1906, de E DUVAL et de Me HUCHON. Je n'ajoute qu'un élément à ce puzzle: il y a au départ une navigation réelle faite dans le cadre des déplacements de l'abbé-évêque de Maillezais accompagné de son secrétaire.

RABELAIS avait certainement l'intention d'écrire un autre livre mais il meurt en 1553. Le 5e livre édité post mortem est constitué des brouillons retrouvés par ses éditeurs et assemblés au mieux. Le manuscript non autographe retrouvé au XIXe permet de connaitre le terme du voyage imaginé dans "l'histoire de la bouteille" initiale.

Mickael Sreech écrit dans son livre RABELAIS: "dans les derniers chapitres du quart livre, Rabelais exprime entre autre la conviction que les mots peuvent être les véhicules d'une vérité révélée.....certains mots, certains noms sont porteurs de significations inspirées, c'est là un point essentiel de sa philosophie."

Platon, Pythagore comme Calcagnini de Ferrare (qu'il a rencontré) pourraient être les sources de Rabelais. Les hommes sont inspirés par Dieu lorsqu'ils choisissent de nommer un lieu. Ces mots deviennent alors des "idées à développer" pour un auteur en "pelerinage". L'auteur sert donc de "truchement" (traducteur) pour le message divin, s'il est un bon observateur des lieux et un décrypteur de mots comme l'était Rabelais. CETTE INTERPRETATION POURRAIT EXPLIQUER SON GOUT POUR LA TOPOGRAPHIE. Cependant les choses peuvent être beaucoup plus simples, car cette interprétation du Cratyle de Platon semble excessive à Me ML Demonet (CESR TOURS) et Me Mireille HUCHON penche beaucoup plus pour un jeu de paronomase (nom inventé par Rabelais).

La compagnie peut lors du retour de Bordeaux prendre le bateau à Thallas (actuellement Talais) pour rejoindre Maillezais sur mer proche de St Palais, avant de passer par Marennes (ma reine Entelechie) et le marais salant de Rupepisse (qui évoque Jean de Roquetaillade l'auteur du livre "de la quintessence"). Les thèmes principaux seront ainsi inspirés par la toponymie locale en particulier par le mot Dive et Rhéia (Ré) qui devient hiéra (calloyer des iles hières peut venir aussi de l'ile d'Erablais qui jouxte les iles Hiers dans la baie de Brouage). L'arrivée se fait par le banc du Bucheron (Couillatris), l'ile de Loix correspond au tribunal des Chats Fourrés, l'Abbaye des Chatelliers (Marie de Ré) à l'épisode d'Outre (la Flotte permet d'aller PLUS OUTRE), les Baleines au Physetère, l'abbaye de Charron est l'ile des ferrements (bien qu'inspirée par Lucien et "le disciple de Pantagruel"), les Portes sont le guychet, la Tricherie (marais salant entre Ars et La Couarde) Cassade, le passage à la Couarde explique la description surprenante de la "couardise" de Panurge, le but ultime est l'ile de LA DIVE donc le message divin transmis par l'oracle TRINCH qui devient CHRIST.

Il faut avant de relire Rabelais savoir qu'il est imprégné de la culture du moyen age :

d'une part il s'inspire et cite des textes plus anciens c'est "l'imitatio" que nous appelons plagiat à tort,

d'autre part chaque mot essentiel d'un texte de qualité doit prendre quatre sens: historique, allégorique, moral et mystique comme en hébreux.

Vous pouvez imaginer que la tâche à accomplir donne une idée de l'infini et je me contente en homme prudent d'en déceler un ou deux sens.Par ailleurs Rabelais prenait plaisir à introduire de homonymes déroutants pour nous forcer à analyser le contexte dans la phrase.

L'intérêt de cette étude est multiple:

-faire revivre la vie du XVIe dans cet endroit en modification permanente, que Marco Polo nommait "la mer de la Rochelle"

-essayer de retrouver le récit de la vie journalière de François Rabelais au service de Geoffroy d'Estissac entre 1524 et 1528.

-rechercher le cheminement de la pensée de François Rabelais lors de l'écriture de son quart livre.

-faire revivre la vie et les interactions entre ces abbayes si puissantes qui vont disparaitre sans laisser de trace quelques années plus tard.

SI VOUS SOUHAITEZ VISITER LA DIVE OU ME RENCONTRER TEL 0680575996 Jean Marie GUERIN 

je ne cherche pas à écrire un livre savant sur  Francois Rabelais mais à échanger des idées en toute liberté, et surtout à faire des rencontres humaines.

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J'ai souvent dit que la Dive était une ile, et personne ne me croyait jusqu'au 28 fevrier 2010.

Je remercie  les amis de Rabelais et de la Devinière de m'avoir accueilli dans leur association et de m'avoir permis d'écrire quelques lignes dans leur bulletin. Leurs sorties sur le thème de la vie de Rabelais sont toujours très enrichissantes. J'aurais grand plaisir à faire découvrir LA DIVE et l'ile de RE aux universitaires qui nous font le privilège de décrypter les textes de Francois Rabelais.

Par ailleurs c'est avec délectation que je modifie le texte de ce blog au fil de mes lectures.

Par contre, je vous en supplie, avant de me condamner au bucher, lisez Rabelais !

 


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