Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Rabelais et l'île de la Dive
23 juin 2011

Rabelais marin entre 1524 et 1528

François RABELAIS aurait-il navigué par mer entre 1524 et 1528 ?

De nombreux chercheurs se sont interrogés pour savoir si François Rabelais a  navigué au cours de sa vie mais aucun n’est arrivé à une conclusion très convaincante. Beaucoup admettent que Rabelais s’est inspiré uniquement de ses lectures pour le quart et cinquième livre.

Par contre ses trois premiers romans sont inspirés du pays de son enfance, de ses jeux. Pourquoi aurait-il oublié son expérience personnelle dans les romans suivants ?

Il a traduit Lucien avant 1529. Dans l’Histoire véritable, le philosophe se moque de l’écrivain qui n'aurait pas navigué et décrirait des lieux inventés.  

Abel Lefranc, Mireille Huchon, Gilles Polizzi, Myriam  Marrache-Gouraud ont décelé que la trame poitevine avait une grande importance dans les  4e et 5e livre. Mais où donc Geoffroy d’Estissac évêque de Maillezais, Rabelais son secrétaire et Bouchet ont-ils pu naviguer ensemble entre des iles où les salines sont importantes ? Le Poitou maritime de notre auteur est imprégné de l’imaginaire lié à ce sel qui donne soif  et grâce auquel  « le monde n’est plus fat[1] ». Pantagruel avant d’être un géant était un petit diable de mystères (théâtre religieux) que mettait en scène Jean Bouchet « le traverseur des voies périlleuses » et ami intime[2] du frère François. Ce petit diable de « Penthagruel » jetait du sel dans la bouche des hommes qui en devenaient assoiffés. Pourtant l’abbaye de Maillezais était très éloignée de la mer au XVIe[3].

Gilles Polizzi[4], très précis, affirme[5] : « Il n’est pas indifférent de savoir qu’il existe une île de LA DIVE au débouché du réseau de canaux entretenus par les moines de l’abbaye…c’est un fait certain, d’autant plus intéressant que Rabelais après un long séjour dans le voisinage, à Fontenay puis à Maillezais, ne pouvait l’ignorer…laissons l’ile de la Dive pour découvrir la tour de La Rochelle, à l’arrivée en lanternois…contournons la pointe de l’ile de Ré en longeant la conche aux baleines dominée par un phare, ce qui pourrait correspondre aux phares de l’ile des Macréons et à la rencontre du Physetère. Et l’on aboutira droit aux Sables d’Olonne en Thalmondois, mentionné comme port de retour, dans la version du manuscrit. Ce faisant, on aura accompli une navigation à peu près circulaire, dont tous les toponymes se situent dans un rayon d’environ trente kilomètres autour du centre déterminé par l’île de la Dive. »

 

dive xinthia 2010

Ile de la DIVE après la tempête Xinthia

Jean BOUCHET le traverseur des voies périlleuses[6] (1476-1550)[7] était un proche[8] de la famille de La Trémoille qui portait aussi les titres de Comte de Benon, Vicomte de Thouars,  Prince de Talmont (celui du port d’Olone en Thalmondois), Seigneur de Mareuil et Ste Hermine,  seigneur de Sully, l’Ile Bouchard, l’île de Ré, de Marans, Mauléon (malo leone) et autres terres. Ce grand rhétoriqueur était procureur[9] à Poitiers en 1524 lorsqu’il a fréquenté Rabelais à Ligugé. Déjà auteur des Annales d’Aquitaine, poète et écrivain, il écrit alors le «panégyrique du chevalier sans reproche[10] ». En qualité de procureur, il pouvait avoir mission de surveiller les revenus du sud-est de l’ile de Ré ou de régler les soucis de bornages[11] des terrains qui appartenaient à cette famille « de Thouars ».  

Le chapitre de Maillezais où Geoffroy d’Estissac était Abbé et Evêque[12] bénéficiait dans l’île de Ré de la moitié de la dîme des paroisses de St Martin, du Bois et de la Couarde[13]. Les terres concernées sont des marais salants , des terres à blé et des vignes[14]. Pour percevoir ces revenus, il fallait s’y déplacer en bateau car les rhétais avaient toujours refusé de payer tout impôt, soutenus en cela par les rois de France et d’Angleterre[15]. L’île à l’époque est partagée en trois : Ré, Loix et Ars. Lors de la tempête Xinthia la configuration du golfe était identique à celle de la Renaissance: on a vu ressurgir les iles de LA DIVE[16], de Charron, de Loix, du coté de la mer Sauvage le passage du Martray est réapparu. L’abbaye des Chatelliers (Castilliers) n’a pas été touchée. On n’a pas déploré de naufrage sur les bancs dangereux  du Bucheron et des Baleines. Guillaume VIII d’Aquitaine avait (avant 1077) donné en même temps que différentes dimes en médoc « la coutume de l’itinéraire d’un navire une fois l’an » à l’abbaye de Maillezais, on peut donc raisonnablement penser que Geoffroy d’Estissac est allé du Bas Poitou à La Rochelle, puis à Bordeaux et Bergerac aller retour en passant par les iles de Ré, d’Oléron etc. par voie maritime. De 1524 à 1528 le secrétaire de l’évêque ne pouvait que le suivre, d’autant plus que la peste avait gagné toutes les villes de la région et que la navigation était plus sure.

Jean Marie GUERIN 24 chemin du Prieuré, LA DIVE, 85580 St Michel en l’Herm.         Mail : jeanmarieguerin@wanadoo.fr

sur Gallica Bulletin / [Association des amis de Rabelais et de la Devinière] | 2011 | Gallica (bnf.fr)

[1] Prologue du cinquième livre

[2] Epitre au dit Bouchet se terminant par « ton serviteur et amy rabellays »

[3] TREFFORT (C) TRANCHANT (M) l’Abbaye de Maillezais PUR 2005 p.56 Myriam Marrache-Gourraud analyse avec justesse que Maillezais était depuis longtemps éloignée de la mer. Les recherches archéologiques (palynologie) ont d’ailleurs confirmé cette affirmation.

[4] G Polizzi chercheur CNRS à l'université de Haute Alsace Mulhouse sur                                   -le Songe de Poliphile et sa réception française (Rabelais, La Fontaine, Nerval)
- la fiction romanesque à la Renaissance ( de Rabelais à Béroalde de Verville)
- poétiques de la Renaissance (Scève, Du Bellay)
- le discours descriptif de la Renaissance à l’âge classique (architecture, histoire des jardins)

[5] exposé fait à Poitiers fin aout 2001 au cours du colloque  "les grands jours de Rabelais en Poitou" ml DEMONET dir. Genève Droz 2006.

[6] xenomanes

[7] Auteur des Annales d’Aquitaine 1550

[8] Précepteur de Charles (fils unique de louis II) de la Trémoille qui mourut jeune à Marignan

[9] avoué

[10] Louis II de La Tremouille (1460-1525) vainqueur à St Aubin du Cormier (contres les bretons) comme à Marignan et tué à Pavie. Livre de Bouchet publié en 1527.

[11] Cahiers de la mémoire de Ré N°74 p.22 et chartrier de Thouars, épisode des chicanoux.

[12] La grande lanterne du bas poitou

[13] Cahiers de la mémoire N°76 p.16

[14] TARDY P, Sel et sauniers, 1987, pp.200, 201

[15] En raison de l’obligation de se défendre seuls contre les attaques Hollandaises, Anglaises ou Espagnoles.

[16] But du voyage et localisation de l’oracle.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Rabelais et l'île de la Dive
Publicité